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Réunions
 
Réunion du vendredi 14 mars : organisation

1) Journée d’étude
La première partie de la réunion est consacrée à la préparation d’une journée d’études que nous co-organiserions vers le 15 décembre 2008 avec l’équipe « Géographie et colonisation » (Géoco) – équipe dont les travaux, également financés par l’ANR, portent sur l’histoire des savoirs géographiques ainsi que sur les perspectives institutionnelles et les pratiques (cartographie, etc.) qui leur sont liées. Voici, pour mémoire, le texte élaboré en vue de cette journée lors d’une entrevue entre Pierre Boilley et Camille Lefebvre d’une part, et les responsables de Géogo, Hélène Blais (Paris 10) et Florence Deprest (Valenciennes) d’autre part :

L’objectif de cette journée est de croiser les approches et les thématiques de deux groupes constitués qui travaillent, dans le cadre de projets financés par l’ANR, sur la question des frontières en Afrique pour les uns, et sur les liens entre géographie et colonisation pour les autres. Le projet Frontafrique porte une interrogation sur les tracés et les conditions de leur élaboration. Le projet Géoco interroge la construction des savoirs géographiques, et notamment des savoirs portant sur les frontières et les délimitations régionales par les États colonisateurs. Il s’agirait donc de s’interroger sur les pratiques, les savoirs et les représentations sur les frontières en situation coloniale. L’aire géographique envisagée couvrira l’Afrique dans son ensemble (Maghreb compris). Les questionnements porteront sur les pratiques de terrain, les dynamiques d’élaborations, les allers-retours entre savoirs métropolitains, travaux antérieurs à la colonisation et enquêtes sur le terrain sur les frontières. Que cherche-t-on à savoir des frontières ? Qui sont les acteurs de ces savoirs ? Qui les élaborent ? Dans quelles conditions ? Comment se diffusent-ils et à quelles fins ?

Jean Schmitz déplore le vague de la formulation. Il serait utile de faire la généalogie du modèle de frontière coloniale. D’autres modèles ont précédé le modèle linéaire qui a fini par prévaloir. C’est le cas, par exemple, de la frontière Tell-Sahara dans la colonie algérienne : on contrôlait les points de passage, sans se soucier de fixer une ligne démarcative. De même, les Français et les Anglais avaient d’abord délimité la Gambie par une frontière qui était une plage et non une ligne (Pierre Boilley). Mais plutôt que de nous attarder sur la terminologie de ce texte – qui s’appuie sur des problématiques familières à nos collègues géographes –, il vaudrait mieux que nous leur demandions de faire un exposé sur leurs perspectives (Claire Médard). Il conviendrait donc que nous arrêtions les points sur lesquels nous souhaiterions discuter avec eux, en leur demandant leur perspective de géographes, afin que nous puissions leur proposer nos perspectives d’historiens ou d’anthropologues (Pierre Boilley). S’il ne peut être question pour cette journée de mobiliser l’ensemble des thèmes que nous avons prévu d’explorer, nous pouvons nous limiter à ce qui tourne autour des représentations : frontières telles qu’elles ont été vécues et perçues par les populations autochtones ; ce que les autorités ont su de ce vécu ; la frontière avant la frontière ; frontière telle que la concevaient les premiers Européens (explorateurs, militaires, etc.). Évidemment, parler de conceptions nous conduira à parler de pratiques (Daouda Gary), mais nous pouvons nous limiter à ce que les pratiques révèlent des conceptions explicites ou implicites qui les sous-tendent.

La notion de « frontière avant la frontière » fait naître un certain nombre de réflexions. Ainsi, Delafosse considérait que les empires du Soudan ne se présentaient pas comme des régions aux pourtours précis ; ils étaient centrés autour d’une ville censée contrôler une région alentour. On trouve des équivalents de ce phénomène ailleurs dans le monde (Chine…), ce qui suggère un possible travail comparatif (Jean Schmitz).

Ensuite, bien qu’il soit là plutôt question de zone d’influence que de frontière à proprement parler, on peut invoquer les processus de colonisation musulmane (Jean-Schimtz). La question se pose alors de savoir si, à propros d’Ousman dan Fodio, le terme de colonisation est approprié : ne faudrait-il pas plutôt parler, de la part des jihadistes de Sokoto d’une injonction (assurément assez ferme) à rejoindre un ensemble. Même si le refus de répondre à cette injonction se traduisait par la guerre, il n’y a pas à proprement parler de conquête (Camille Lefebvre). Mais les choses pourraient avoir été différentes dans le cas d’El Hadj Omar ou de Samory.

Pour ce qui est de la réception par le colonisateur des savoirs locaux, Jean Schmitz fait remarquer que les cartes rapportées par les explorateurs ont été pour une bonne part l’œuvre de leurs guides et de leurs collaborateurs locaux. Il y a eu, en ce sens, une co-construction du savoir colonial, thème sur lequel s’est penché un numéro récent du Journal of African History. On peut aussi invoquer, à titre comparatif, le rôle joué aux Indes par les auxiliaires indiens de l’administration anglaise. Certains d’entre eux avaient parcouru l’Himalaya avant que l’armée anglaise ne s’y aventure, grâce à quoi elle a pu disposer de cartes lorsqu’elle s’y est avancé.

Par ailleurs, si nous devons parler d’un savoir africain – implicite ou explicite – sur les frontières, il ne s’agit pas uniquement du savoir des universitaires africains, lesquels ont souvent tendance à voir dans les frontières actuelles l’œuvre artificielle du colonisateur, niant ainsi la part que les Africains ont prise à la construction du savoir sur les frontières (Pierre Boiley et Claire Médard).

2) Bibliographie
Est ensuite envisagée la constitution d’une bibliographie raisonnée, et si possible commentée. Claire Médard fera d’ici la prochaine séance une incursion dans la bibliothèque de l’EHGO. Pierre Boilley fera un recensement des travaux d’étudiants sur le sujet.

3) Point sur la situation financière (Pierre Boilley)
Le coût total du projet est en partie fictif puisqu’il inclut nos salaires (ou la part de nos salaires correspondant au pourcentage de temps que nous comptons consacrer au projet).
Sur les 200.000 euros que nous avons reçus, 50.000 doivent être affectés à nos collègues africains via l’AIRD. La question se pose de savoir quelles voies pourra prendre cette affectation : conventions avec des universités ou des institutions locales, ou transfert via les agences locales de l’IRD (ce qui suppose alors des procédures très bureaucratiques).

La séance finit par l’énumération des besoins de chacun en financement.

Henri Médard : pas de besoins particuliers cette année. Mais aura plus tard à aller en Angleterre et en Ouganda.

Jean Schmitz : compte se pencher sur l’exploration par Faidherbe de la vallée du Sénégal. Charles Becker, qu’il faudrait associer au projet, a constitué sur le sujet un dossier notamment cartographique, qui demande à être analysé. Ainsi, depuis le XVIIe siècle, on voit des villages de la rive nord disparaître peu à peu des cartes, indice d’un déplacement de populations vers la rive sud – ce qui est le signe que le fleuve était déjà considéré comme une frontière. Faidherbe se trouve donc devant ce qu’il croit être une frontière naturelle, alors qu’il s’agit d’une frontière politique encore assez récente au moment où il arrive, vers le milieu du XIXe siècle.
Ces allers-retours de part et d’autre du fleuve ont été mis en exergue en 1989, au moment des massacres au nord, qui ont produit un nouveau flux de réfugiés peuls vers le sud du fleuve, ce qui a fait craindre une réédition de ce qui s’était passé au XVIIe siècle. Il faudrait voir ce qu’il est advenu des Haal-Pular qui se sont par la suite réinstallés au nord. Prospère, la zone frontalière draine vers elle des produits maraîchers pouvant provenir de régions parfois fort éloignées, telle la zone péri-urbaine de Dakar. Toutes ses études nécessiteraient dès cette année 15 jours ou 3 semaines de mission sur place.

Séverine Awenengo : compte étudier les pratiques de passages de frontières pendant la période coloniale (entre Sénégal et Guinée-Bissau) ; migrations aujourd’hui. Mais ne peut envisager ce travail dans les six mois qui viennent.

Simon Imbert-Vier : après l’achèvement du doctorat qu’il consacre aux frontières à Djibouti pendant la période coloniale, veut élargir son examen au cas de la Somalie. Il lui faudrait explorer des sources italiennes, anglaises, peut-être aussi éthiopiennes. Il s’intéressera aussi aux variations du discours académiques tenus sur ces frontières.

Daouda Gary : le travail qu’il projette sur migrations à partir de l’AOF nécessiterait des missions à Aix-en-Provence, à Lille (archives des compagnies maritimes coloniales), à Dakar, et plus tard à Kinshasa.

Claire Médard : envisage à moyen terme de travailler en Tanzanie sur la problématique du front (frontier au sens de Kopytoff), à plus long terme d’étudier la frontière Tanzanie-Mozambique.

Camille Lefebvre : dans les huit mois qui viennent, finit sa thèse.

Dominique Casajus : sources livresques à dépouiller pour l’instant ; missions à Aix-en-Provence à moyen terme.

Dominique Casajus
 

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